L’article évoqué ci-dessous a été publié le 2 janvier 2020 sur l’archive ouverte pluridisciplinaire HAL. Cette dernière est destinée au dépôt et à la diffusion de travaux de recherche, publiés ou non, en provenance d’établissements d’enseignement supérieur français ou étrangers mais aussi de laboratoires publics ou privés.
Ce document a été rédigé par Lydien Walter Panemi de Muishe diplômé d’un Master II en Sciences politiques, Relations Internationales et Études stratégiques de l’Université de Yaoundé au Cameroun. L’auteur se penche sur les liens qui unissent l’islam radical à l’identité religieuse au Nigeria à travers une réflexion sur les logiques identitaires et conflictuelles de Boko Haram .
L’actualité récente a démontré que Boko Haram était autant un facteur de frictions qu’un vecteur de tensions entre ethnies et communautés nigérianes, particulièrement dans la ville de Maiduguri, engendrant violences, heurts et massacres. S’appuyant sur cela, l’auteur explique comment la proclamation identitaire et la représentation de l’ennemi incarnent des logiques de radicalisation religieuse et de légitimisation de la violence pour le groupe en question. En effet, le discours identitaire et autocentré construit par le groupe présente l’organisation terroriste comme un catalyseur de pureté religieuse, légitimé par une idéologie traditionnelle et radicale. Mû par la volonté de bâtir une véritable communauté des croyants musulmans (la oumma), le groupe n’hésite pas à écarter de son projet idéologique tous ceux qui dérogent à ses préceptes : les infidèles, les mécréants, les impurs et les déviants. La doctrine ainsi suivie par Boko Haram se traduit par un traditionalisme affirmé et un rejet de plus en plus marqué de la modernité qui est perçue comme une source d’aliénation et de domination occidentale.
Cette stigmatisation du partisan et de l’adversaire a conduit l’auteur à s’interroger sur les représentations de l’ennemi chez Boko Haram. Tous ceux ne partageant pas les dogmes idéologico-religieux de ce dernier sont reprouvés dans une logique insurrectionnelle et destructrice. Lydien Walter explique que le groupe construit une dialectique entre un adversaire interne lié à la politique intérieure du pays et l’ennemi étranger caractérisé par la modernité occidentale et les déviances qui en découleraient. Au-delà de la construction du narratif idéologique, il nous est exposé que d’autres logiques identitaires sont mises en œuvre par le groupe comme par exemple la sanctuarisation de zones d’influence. C’est notamment le cas des villes de Maiduguri, Gwoza, Chibok ou encore Damatru qui ont été à plusieurs reprises le malheureux théâtre des actions de Boko Haram.
La radicalisation du fait religieux promis par Boko Haram cristallise les logiques conflictuelles interethniques et inter communautaires au Nigeria. Plus généralement, se pose ainsi la question des liens sous-jacents qui unissent identité et religion. A la dialectique de l’ami et de l’ennemi décrite dans cet article, pourraient s’ajouter les réflexions de Samuel Huntington qui affirmait : « les religions fournissent une identité en distinguant le croyant du non-croyant, le membre de la communauté de celui qui en est exclus[1]»
[1] HUNTINGTON Samuel, Le choc des civilisations, Odile Jacob, « Poch Odil Jacob », 1996, 545 pages.